Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ô cameroun !
Ô cameroun !
Derniers commentaires
Archives
3 décembre 2013

Des jeunes camerounaises retournées au village pour travailler la terre

De jeunes agricultrices font valoir les droits de la gent féminine à Nlobessé dans un programme où les hommes partaient favoris. Elles s’en sortent plutôt bien.
 

Madeleine Ngo Nkok construit sa vie autour de l’agriculture loin d’Edéa où elle est née

Ces femmes qui ont délibérément choisi de tenter leur chance dans l’agriculture loin de la ville et de leur village natal estiment aujourd’hui qu’elles n’ont pas fait le mauvais choix.
Ce n’est qu’à partir 2009, année d’installation de la deuxième vague des jeunes agriculteurs à Nlobessé que le Programme d’installation des jeunes agriculteurs (PAIJA) a enregistré l’arrivée des femmes. On les dénombre à six dont Célestine Mbo et Madeleine Ngo Nkok. Etant passées par mille et un petits métiers en ville dont le petit commerce et la petite restauration, les deux jeunes femmes sont désormais casées dans l’agriculture par choix. Elles se mettent à leur aise autant que faire se peut dans un village hors connexion téléphonique et internet. Un village tout de même électrifié.

Pas de téléphone

Ça n’a pas été facile de se tailler une place au milieu des hommes, reconnaissent-elles. «Quand j’ai appris l’existence du PAIJA, je croyais que c’était un programme destiné uniquement aux hommes. Je n’ai pas osé poser ma candidature» affirme Célestine Mbo.


Mais fort heureusement, elle connaissait certains jeunes agriculteurs installés en 2006. Aussi déclare-t-elle: « Quand je suis allée rendre visite à des proches à Nlobessé en 2008, j’ai vu comment ils ont évolué avec leurs parcelles. Ça a créé un déclic dans ma tête. Je me suis renseignée pour savoir pourquoi n’y avait-il pas de femmes parmi les personnes installées. On m’a répondu que c’est parce que les femmes n’avaient pas fait acte de candidature. Je me suis alors lancée dans l’aventure avec plusieurs autres femmes. On nous a retenues dès la promotion 2009.»

 

“Je suis ambitieuse” déclare Célestine Mbo


L’avis de Madeleine Ngo Nkok sur l’arrivée des femmes à Nlobessé est plus nuancé. D’après elle, ce n’était pas possible qu’une femme seule s’en sorte dans cette forêt vierge. « Les hommes partaient favoris dans le programme. C’est quand on a vu qu’ils évoluaient que nous femmes avons compris que cet endroit est vivable» avoue cette native d’Edéa dans la Sanaga Maritime. Elle a reçu une parcelle de 5 hectares dans le cadre du PAIJA tout comme Célestine Mbo. Chacune affirme avoir déjà mis en valeur 3 des 5 hectares à elle concédés. 


En plus de planter le cacao, Célestine dit avoir exploité une partie de son champ pour produire l’arachide et le maïs ; tandis que Madeleine a jeté son dévolu sur le concombre et le plantain. Chacune se dit satisfaite du fruit de son labeur. 

D’après Madeleine Ngo Nkok, les recettes de vivres permettent d’attendre sereinement celles du cacao. Pour cette femme qui voit loin, il ne sera pas question de s’arrêter à la cacaoculture, mais de s’étendre à terme dans l’hévéaculture. Car note-t-elle : « Les plantations de la société Hévéas du sud ne sont pas loin de Nlobessé. Si nous cultivons l’hévéa, nous allons le vendre sans problème.»


Mais pour l’heure, le cacao reste la culture majeure à Nlobessé. Célestine Mbo ne demande qu’à être reconnue comme une productrice au même titre que les hommes. « Sans travail fixe et sans mari, j’ai décidé de me lancer à fond dans cette activité. Chez moi dans le Sud, les gens ne conçoivent pas qu’une femme puisse cultiver le cacao. Pour qu’une femme réussisse dans la cacaoculture, il faut qu’elle ait le gros cœur. J’ai le gros cœur ; je pense que je vais y réussir ! » s’exclame Célestine.


Grâce à elle et à ses camarades, le PAIJA de Nlobessé ne sera plus vu comme le Programme d’installation de jeunes agriculteurs uniquement, mais aussi de jeunes agricultrices.




« Pourquoi me refuse-t-on la maison ? »
 

André Aba, jeune agriculteur à Nlobessé depuis 2006
« Nous de la première génération du PAIJA, nous sommes véritablement des pionniers. Nous nous sommes beaucoup donnés pour réussir. Quand on arrivait en 2006, il n’y avait rien. Il fallait être fort mentalement pour rester. Même comme on promettait tout gratuitement à ceux qui s’engageraient, les jeunes ne se bousculaient pas. Ils avaient peur de la jungle. Mais nous nous sommes engagés. Aujourd’hui, tout le monde apprécie notre évolution. Mais on a souffert.
Le programme nous a promis une prime de subsistance de 15 000 F par mois en 2006. Mais il a fallu supporter jusqu’à la fin de l’année pour commencer à la percevoir. C’était dur de vivre et de travailler sans rien. Pour nous en sortir, nous avons commencé par mettre des cultures vivrières à cycle court comme la patate dans nos parcelles. C’était ça notre repas principal. Après, le plantain a commencé à produire. Nous avons commercialisé pour avoir quelques revenus en attendant le cacao.

Aujourd’hui, je peux dire que je suis un cacaoculteur accompli. L’essentiel de mes revenus provient de la vente de mon cacao. Sur le plan de l’activité agricole, je peux affirmer que je m’en sors.
Mais j’ai un seul souci : c’est que je n’ai toujours pas de maison. Pourtant, quand nous arrivions ici, on nous avait promis de construire à chacun une maison. Depuis , on attend. Mais ce qui me frustre c’est que parmi la vague des maisons actuellement en construction, il n’y a toujours pas celle d’Abah André. Et j’entends dire que certaines personnes de la deuxième promotion de 2009 seront loties dans ces maisons. 
C’est comme si on veut me dire que je suis déjà grand et que je dois me débrouiller. Ce n’est pas normal. Abah veut aussi sa maison pour être à l’aise une fois pour toutes.» MPV 

Simplice Etémé déterminé malgré tout 

Natif de Bengbis dans le Dja et Lobo, Simplice Etémé exploitait la vieille cacaoyère familiale dans son village jusqu’en 2007 quand il a apprend l’existence du programme d’installation des jeunes agriculteurs de Nlobessé (PAIJA). Il se renseigne sur l’intérêt du programme et se résout à tenter sa chance. Il est retenu dans la promotion 2009 des jeunes installés à Nlobessé.


«J’ai été attiré par les avantages qu’accordait le PAIJA : 5 hectares de terrain attribué au jeune, abattage des arbres sur la parcelle, don de nouvelles variétés de cacao précoces et très productives, et tout cela gratuitement» affirme Simplice Etémé. Il ne fallait pas plus que cela pour le décider à quitter la vieille cacaoyère peu productive pour chercher fortune ailleurs.

Des 5 hectares qui lui ont été attribués à Nlobessé, S. Etémé affirme qu’il n’a planté aujourd’hui que 2 hectares. Il explique cette faible exploitation de l’espace par la difficulté à défricher seul 5 ha de terrain à la machette. Il dit le faire progressivement. En effet, le travail du défrichage incombe au jeune agriculteur; le PAIJA ne prenant en charge que l’abattage de gros arbres.
A l’entendre, pour s’en sortir à Nlobessé, il faut bosser dur. Parce que certains jeunes n’ont pas intégré cela, 5 des 25 recrutés en 2009 auraient démissionné quelque temps après leur installation.

Quant à Simplice Etémé, il ne compte pas lâcher en si bon chemin. Surtout qu’il est fier d’avoir sa cacaoyère à lui, plantée de nouvelles variétés de cacao. Les quelques cabosses récoltées cette année sur sa parcelle lui donnent d’espérer une grande production dès la prochaine campagne.
En attendant, il doit faire des déplacements fréquents pour rendre visite à sa famille restée au village faute de maison pour les loger à Nlobessé. Question de garder le moral dans ce village qui n’est pas le sien.

Marie Pauline Voufo - La Voix du Paysan 

Publicité
Commentaires
Ô cameroun !
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 2 254 264
Publicité